
Crise politique en Thaïlande : destitution de Paetongtarn Shinawatra et dynastie en sursis
Écrit par la rédaction de theo-courant.com, votre guide de référence sur la Thaïlande et l'Asie du Sud-Est.

La destitution de la première ministre Paetongtarn Shinawatra illustre une fois de plus l’instabilité chronique du système politique thaïlandais, entre interventions judiciaires, dynastie contestée et recompositions partisanes.
Destitution de Paetongtarn Shinawatra : un nouveau coup de théâtre
La Cour constitutionnelle thaïlandaise a destitué, le 29 août 2025, la Première ministre Paetongtarn Shinawatra pour violation éthique après un appel téléphonique avec l’ancien dirigeant cambodgien Hun Sen, jugé compromettant pour les intérêts nationaux.
Le verdict a été rendu à une majorité de 6 juges contre 3, mettant fin rétroactivement à son mandat depuis le 1er juillet 2025, au même moment que tout son gouvernement.
Elle devient ainsi la sixième personnalité liée à la dynastie Shinawatra chassée du pouvoir par la justice ou l’armée en deux décennies.
Cette décision, intervenue juste un an après sa prise de fonction, a replongé le pays dans une profonde incertitude politique. Le Parti du Peuple est désormais en position clé pour former un nouveau gouvernement.
Situation politique actuelle en Thaïlande
Négociations en cours et gouvernement intérimaire
Le Parti Bhumjaithai, en plein remaniement, a accepté les conditions du Parti du Peuple pour diriger la nouvelle coalition, dont dissolution du Parlement dans les quatre mois et référendum sur la constitution. Le vice-Premier ministre Phumtham Wechayachai assume un rôle intérimaire jusqu’à l’élection du prochain Premier ministre.
La session parlementaire pour élire un nouveau premier ministre est prévue pour le 3 septembre 2025.
Instabilité démocratique structurelle
Cette crise est emblématique du rôle dominant des institutions judiciaires, souvent perçues comme instruments de l’establishment royal-militaire face aux figures populistes.
La dynastie Shinawatra dans la vie politique thaïlandaise
Qui sont les Shinawatra ?
La dynastie Shinawatra, fondée par Thaksin Shinawatra, figure emblématique du populisme en Thaïlande, a vu plusieurs de ses membres accéder à la primature : Thaksin lui-même, sa sœur Yingluck Shinawatra, et récemment Paetongtarn, sa fille.
Les destitutions successives
Depuis 2006, la famille a subi six renversements par le biais de la justice ou de coups d’État :
- Thaksin destitué par un coup militaire en 2006 ;
- Son beau-frère Somchai Wongsawat renvoyé par la Cour constitutionnelle en 2008.
- Yingluck Shinawatra déchue par la justice en 2014, suivie d’un coup d’État militaire.
- Plus récemment, Srettha Thavisin, alors premier ministre, lui aussi destitué pour des motifs éthiques (avant la montée de Paetongtarn) ; il n’est pas membre de la famille mais allié politique du clan Shinawatra.
- Et enfin, Paetongtarn elle-même, renvoyée par la Cour en août 2025.
À chaque fois, ces destitutions ont nourri l’instabilité politique, fragilisant les gouvernements, relançant les crises institutionnelles et fragilisant l’économie.
Le Parti du Peuple : héritier de Move Forward et acteur clé de l’opposition
La dissolution du parti Move Forward par la Cour constitutionnelle thaïlandaise en août 2024 a marqué un tournant majeur dans la vie politique du royaume. En réponse, ses anciens députés ont rapidement fondé le Parti du Peuple, reprenant les couleurs, les idéaux et la ligne progressiste de leur prédécesseur. Derrière ce changement de bannière se cache une histoire plus longue, faite de recompositions successives, de pressions institutionnelles et de stratégies électorales. Retour sur l’évolution d’un mouvement qui, malgré les obstacles, reste au cœur de l’opposition démocratique en Thaïlande.
Chronologie du Parti du Peuple (Thaïlande)
Période | Nom du parti | Date de création / changement | Dirigeants principaux | Raisons du changement / Événements clés |
---|---|---|---|---|
2014–2020 | Développement uni de la Nation thaïe (พรรคร่วมพัฒนาชาติไทย) | 1er mai 2014 | Non précisé | Fondation initiale, faible impact politique |
2019 | Phueng Luang (พรรคผึ้งหลวง) | 19 janvier 2019 | — | Rebranding temporaire |
2020–2024 | Move Forward / Aller de l’avant (พรรคก้าวไกล) | 19 janvier 2020 | Pita Limjaroenrat (chef), Apichat Sirisunthon (secrétaire général) | Successeur du Parti du Nouvel Avenir dissous |
2023 | — | Élections générales | Pita Limjaroenrat | 151 sièges, 1er parti, exclu du gouvernement |
Août 2024 | Dissolution de Move Forward | 7 août 2024 | — | Dissolution par la Cour constitutionnelle |
Depuis août 2024 | Parti du Peuple (พรรคประชาชน) | 9 août 2024 | Natthaphong Ruangpanyawut (chef), Sirikanya Tansakul (cheffe adjointe), Parit Watcharasindhu (porte-parole), Sarayut Jailak (secrétaire général) | Reconstitution du mouvement progressiste avec 143 députés |
Résultats électoraux
Année | Nom du parti | Sièges obtenus | Position |
---|---|---|---|
2019 | Move Forward (via Nouvel Avenir) | ~80 (avant dissolution) | Opposition |
2023 | Move Forward | 151 | 1er parti, mais exclu du gouvernement |
2024 | Parti du Peuple | 143 (transfert) | Opposition, en attente des élections de 2027 |
Positionnement et idéologie
- Orientation : Centre-gauche
- Valeurs : Démocratie, égalité, réforme institutionnelle
- Sujets clés : Réforme de l’armée, de la monarchie, décentralisation, droits civiques
- Couleur : Orange
- Slogan : « Vient du peuple, appartient au peuple, fait pour le peuple »
FAQ – Questions fréquentes sur la politique thaïlandaise
Pourquoi Paetongtarn Shinawatra a-t-elle été destituée ?
A : En raison d’un appel privé avec Hun Sen, jugée éthiquement inapproprié et contraire à l’intérêt national, selon la Cour constitutionnelle (6 voix contre 3).
Quel est le rôle du Parti du Peuple ?
Il détient une position pivot dans les négociations et exige un référendum constitutionnel et une dissolution du Parlement en échange de son soutien.
Quelle est l’influence de la Cour constitutionnelle sur la démocratie ?
La Cour exerce un pouvoir fort, souvent critiqué pour contrer les gouvernements élus, alimentant une dynamique d’instabilité institutionnelle.
Quelles promesses fait la nouvelle coalition ?
Dissolution du Parlement sous quatre mois, réforme constitutionnelle par référendum puis réécriture via Assemblée constituante.
Est-ce la fin de la dynastie Shinawatra ?
Pas vraiment : même affaiblie, la dynastie incarne une base populaire solide. Mais ses opposants institutionnels restent puissants.
Y aura-t-il de nouvelles élections ?
Probablement, si la coalition tient parole : dissolution du Parlement et élections à venir.
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